The best way to kill a tree

16 mars – 13 juillet

Vernissage le 15 mars de 18h à 21h

Le travail de Gabriela Albergaria s’attache à la notion de care, « théorie d’abord élaborée comme une éthique relationnelle structurée par l’attention aux autres » 1. Le care est ainsi une éthique qui maintient, répare, protège car elle manifeste « un souci de l’interdépendance du monde, une attention aux autres dans le besoin» 2.  Cette « attention aux autres et la responsabilité face aux besoins du monde ont un sens éminemment politique et social : faire entendre toutes les voix et particulièrement celles qui ne participent pas aux processus de décision, quelles qu’elles soient » 3.

Cette éthique du care s’attache dans le travail de Gabriela Albergaria à la question de la représentation de la Nature et de la voix silenciée de cette Nature dans cette représentation, qui omet la connectivité historique, politique et biologique du monde. Elle y défend « une autre manière d’organiser le tissu des relations entre les humains et les non-humains »4. Ce travail de mise en voix de la Nature se déploie dans une attention portée aux processus invisibles que génèrent les liens que créent entre eux les éléments non-humains qui peuplent le monde au delà des humains, ces processus ouvrant « un champ de connexions intimement lié à la vie, dans lequel transformation, fermentation et décadence sont synonymes de renouveau »5.

Le point de départ de l’exposition repose ainsi sur ces processus cycliques d’auto-régénération qu’a développé la nature en son sein et les stratégies d’entraide et de soin qu’ont élaboré les non-humains qui la composent. Gabriela Albergaria les a incarné dans un livre d’artiste : La meilleure façon de tuer un arbre. Elle y déploie tout un champ pictural qui œuvre à chaque page comme un palimpseste, puisant dans un catalogue de formes et de signes qui se transforment les uns les autres, se réécrivent, s’escamotent, rejouant ainsi de manière poétique ces processus qu’on peut observer constamment à l’œuvre dans la nature, si l’on en prend la peine et le temps.

C’est la projection en volume de cet essai pictural que nous propose ici l’artiste. Cette transposition dans l’espace repose là encore sur un processus invisible, celui que déploie le mycélium souterrain en des ramifications rhizomiques qui explorent, nourrissent et régénèrent le sol dans lequel il se développe. Les œuvres présentées tissent alors un enchevêtrement de relations et de pensées sur la manière dont la matière organique se mobilise pour se décomposer et recomposer un écosystème où chacun trouve sa juste place. Car, comme l’indique justement Tim Ingold dans son essai Une brève histoire des lignes, il faut « imaginer que la vie [est] plutôt un composite tissé avec les innombrables fils que produisent des êtres de toutes sortes, humains et non humains, se déployant à travers cet entrelacs de relations dans lesquels ils sont pris »6

La figure de l’arbre, récurrente dans le travail de Gabriela Albergaria, est alors mobilisée pour évoquer cet ensemble complexe de liens, de pensées et d’attentions. Elle y surgit sous l’apparence du Hêtre pourpre du Parc de la Pépinière. Elle y surgit sous la forme de morceaux de bois, de dessins, de sculptures. Elle se mélange ainsi à un ensemble de petites pièces et de dessins. Certaines sont assez récentes, d’autres plus anciennes, conservées dans ses tiroirs en attendant le moment idéal pour prendre sens. Certaines sont plus figuratives, d’autres plus abstraites. Toutes sont prêtes à être lues et/ou interprétées. 

Il ne reste alors qu’à « agencer tout cela selon des motifs suffisamment larges pour accueillir la diversité de ces objets rencontrés »7. C’est ainsi que des lignes apparaissent sur les murs et les parcourent, reprenant celles que « pour peu qu’on soit attentif, on verra en se promenant dans la campagne, une infinité de lignes appartenant à la famille des fils, même si l’ordre linéaire de la nature se retrouve surtout sous terre, sous forme de racines, de rhizomes et de myceliums fongiques »8. Ces lignes, fils se transforment alors en traces, définissent des surfaces, un peu comme celles des pages d’un livre. Ces lignes se superposent, se croisent. Elles forment une grille qui agit plus comme l’atlas « Mnémosyne » d’Aby Warburg que comme la mise en œuvre d’une temporalité : il s’agit pour Gabriela Albergaria de tisser à son tour des fils invisibles qui relient la multiplicité de formes et de langages d’une recherche polyforme. 

S’ensuit alors des processus d’édition, d’assemblage, de reconfiguration et de métamorphose qui sont au cœur de la méthodologie de Gabriela Albergaria. Ce collage, cet assemblage lui permet non pas de faire de l’art à partir de la nature, mais « de transformer notre relation imaginative […] avec le naturel […] à travers le mécanisme primordial de l’observation sensorielle » 9 et d’insister sur l’interdépendance des vies. 

Le care de Gabriela Albergaria concerne ainsi fondamentalement notre monde dans son essence, la possibilité de sa donation. Il appelle « une activité d’accompagnement en vue du développement, du maintien ou de la restauration d’une puissance d’être, de dire ou d’agir »10, et pour commencer, d’entrer dans une autre logique de l’action. Car comme le dit Bruno Latour, « dès qu’on se rapproche des êtres non humains, on ne rencontre pas chez eux l’inertie qui nous permettrait par contraste de nous prendre pour des agents, mais, au contraire, des puissances d’agir qui ne sont pas sans lien avec ce que nous sommes et ce que nous faisons »11. Il existe ainsi d’autres manières que celle des humains de faire, de se défendre, de se protéger, de résister : « nos alliés sont multiformes, considérablement plus nombreux et divers que ce que notre imagination laisse entrevoir. Il s’agit non pas de fantasmer ces autres manières mais d’apprendre à mieux les connaitre, à les rencontrer, à les défendre, à les amplifier et à les associer à nos combats »12.  De cette écologie multi-espèces, de cette diplomatie inter-espèces, nous ne ressortons pas moins humains, mais humain autrement.

  1. in Fabienne Brugère, L’éthique du « care », Que sais-je? 4e édition, 2023, p 7 ↩︎
  2. ibid, p 23 ↩︎
  3. Ibid p 25 ↩︎
  4. in Léna Balaud & Antoine Chopot, Nous ne sommes pas seuls, Seuil, 2021, p 21 ↩︎
  5. in Delfim Sardo, A atenção sensível, in Gabriela Albergaria, A Natureza detesta Linhas Rectas, Mousse Publishing, 202, p 15 ↩︎
  6. in Tim Ingold, Une brève histoire des lignes, Points, 2024, p19 ↩︎
  7. in Georges Didi-Huberman, Tables de montage, Editions de l’imic, « le lieu de l’archive », 2023, p13 ↩︎
  8. in Tim Ingold, Une brève histoire des lignes, Points, 2024, p 83 ↩︎
  9. in Delfim Sardo, A atenção sensível, in Gabriela Albergaria, A Natureza detesta Linhas Rectas, Mousse Publishing, 202, p 21 ↩︎
  10. in Fabienne Brugère, L’éthique du « care », Que sais-je? 4e édition, 2023, p 81 ↩︎
  11. in Bruno Latour « Face à Gaïa », Paris, La découverte/les Empêcheurs de penser en rond, 2015 ↩︎
  12. in Léna Balaud & Antoine Chopot, Nous ne sommes pas seuls, Seuil, 2021, p 24 ↩︎

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Sea & Art

On View

22 May – 18 June

BC Street 18#

Organizer

Curated by ABC for the Academy of Art and Design, WVC

Venue

Sea Art Palace

MCC Street 23

HK Oblast

CS

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Artists

Steve Johnson

Steve Johnson was born in NewYork, in 1980. He received her BA in Art from Kyambogo University, in 2004. Steve went on to present his work internationally at exhibitions, galleries, fairs and biennales, including 1:54 Fair New York and London 2018 & 2020,

Steve Johnson

Steve Johnson was born in NewYork, in 1980. He received her BA in Art from Kyambogo University, in 2004. Steve went on to present his work internationally at exhibitions, galleries, fairs and biennales, including 1:54 Fair New York and London 2018 & 2020,

Installation Views

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